Les extraits du livre 'Chasseur de Tornades,' par Norman Nawrocki.
(les textes ont été traduit par Christian Brouillard et Sylvain Côté)
JOHN CLARKE
À 6 heures
le premier lundi
de chaque mois
John Clarke,
un diabétique de 82 ans
marche 6 coins de rue
vers l'arrêt d'autobus
prend 3 bus
attend dans une queue
durant 3 heures
pour un panier d'une banque alimentaire
qui contient une miche de pain
une boîte de biscuits
du beurre d'arachide
du blé d'Inde en conserve
des pois et des haricots
du pouding en sachet
plus une couple de pommes et d'oranges
« Heureusement que je sais comment survive »
se dit-il
« Mais c'est ben dur pour
beaucoup de personnes âgées »
- Norman Nawrocki
LE VAMPIRE DES CONDOS
Je suis le Vampire des Condos
Je raffole des quartiers pauvres et sans appui
Je m'y faufile parmi les ombres
J'attaque votre rue, dans l'obscurité de la nuit
J'y suce tout le sang et toute la vie
Je suis ce qu'on pourrait appeler un parasite
Je laisse toujours ma trace, ma signature et leurs symptômes :
Des morts-vivants et des condominiums !
Je suis le Vampire des Condos
Et je veux vous mordre dans le dos
Oui je suis le Vampire des Condos
Et je sais que j'aurai le dernier mot
Je dors à l'hôtel de ville dans mon tombeau
Je rêve de centres d'achats et des condos
Je fréquente les promoteurs, l'élite municipale
Les spéculateurs, bref, j'adore faire du social
Je m'assure d'avoir toujours de quoi à boire
Je suis un homme respectable - on sait comment je me nomme
J'embellis cette ville en développant au maximum :
Des morts-vivants et des condominiums !
Je sors de mon cercueil la nuit venue
Je fais mes rondes, je connais les meilleures avenues
J'attaque ceux qui dorment, et sans qu'ils ne s'y attendent
J'enfonce mes crocs dans cette chair si tendre
Mais j'évite les quartiers organisés
Les tresses d'ail, les piquets aiguisés
J'ai peur des rues annonçant :
« Pas de morts-vivants près de mon logement ! »
Et, rien qu'à y penser, ça me fait râler
De voir des locataires s'organiser
Mais je sais que mes amis à l'hôtel de ville vont m'aider
Car je déteste voir le sang se gaspiller
- Norman Nawrocki
LES FEMMES FORTES
Les femmes fortes ne parlent pas l'anglais
mais elles lavent les planchers,
nettoient les toilettes
et cousent les jeans pour les Anglais
Les femmes fortes travaillent de neuf à cinq,
de cinq à une, de une à neuf,
avec ou sans salaire
à l'ombre d'un boss ou deux
sans aucun répit
et, de temps en temps,
avec un petit chèque qui rebondit
Les femmes fortes travaillent en silence
et chantent doucement
pour elles-mêmes
Les femmes fortes s'assoient ensemble
dans les autobus en route vers chez elles
dans le métro
et s'échangent des sourires
des sourires pleins de sous-entendus
Les femmes fortes parlent aux étoiles
de leurs rêves d'hier
et des rêves à venir
du jour où elles pourront
déposer le fardeau de leur dos
balayer les boss qui n'arrêtent pas de chialer
pour les déposer dans la poubelle
puis aller danser ensemble sous le soleil
avec leurs enfants tout heureux
en courant dans les champs pleins de marguerites,
de chèvrefeuilles et de papillons qui rient
Les femmes fortes
attendent le moment
où tout les autres dorment
avant de verser des larmes
- Norman Nawrocki
SQUATTONS LA VILLE
Quand ça cogne à ta porte
La rançon mensuelle, faut qu'tu la sortes
Vas-tu payer ?
Vas-tu gueuler ?
SQUATTONS LA VILLE ! FUCK LE LOYER !
NON AU PROPRIO ! NON AU LOYER !
Qui a construit ton logement ?
Enfoncé les clous et mis le temps ?
Qui se fait la piasse au profit des gens ?
Ramasse le loyer en argent comptant ?
Des coquerelles - quel bordel !
Il te charge pas d'extra, c'est un bon gars !
Sers-t'en comme assaisonnement
Ou pour les fissures, en guise de ciment
Tords-lui le bras, y'a pas de chauffage
Tords-lui le cou, y'a plus de drainage
Monseigneur, allez-vous arranger les trous ?
Faut-il me mettre à genoux ?
Les cennes noires qui tombent d'en haut
Tombent et roulent jusqu'au proprio
Vas-tu bouffer - y'a rien a manger
Va-t-il changer la serrure magannée ?
Expulsion - tu te fais mettre dans la rue
Même histoire - tu t'es fait avoir
Pacte tes petits pis grouille-toi l'cul
Te voilà sur le trottoir
Tu erres sur le pavé, tu tournes en rond
Tu cherches une place en bonne condition
Tu en trouves une et y fait des rénovations
Et aïe! tu te retrouves avec une augmentation
SQUATTONS LA VILLE ! FUCK LE LOYER !
NON AU PROPRIO ! NON AU LOYER !
Les logements abordables disparaissent des parages
Et les condos envahissent le voisinage
Augmentons les loyers, expulsons les bénéficiaires
Nettoyons ces taudis, on dédaigne la misère
Pactons les familles dans des cages à lapins
Quel bon investissement, mettons-y le grappin
Les enfants dans le placard avec les manteaux
L'espace c'est de l'argent, pour les proprios
Spéculateurs et promoteurs
Mettent en banque l'argent du loyer
Banque de Commerce et Banque TD
Banque de Montréal
Tout ça pour spéculer sur les logements
Voler le loyer et faire de l'argent !
Spéculateurs et imposteurs
Bande de voleurs et de fossoyeurs !
Peuple enchaîné, maîtres qui veillent
Cela n'a pas duré, les chaînes se sont brisées
Maintenant nous sommes esclaves du travail
Exploités pour pouvoir payer
La moitié du revenu a disparu
Payer pour un abri - quelle misère
On vit une époque féodale - les seigneurs sont devenus propriétaires
Réveillons-nous, ce n'est pas encore perdu !
SQUATTONS LA VILLE ! FUCK LE LOYER !
NON AU PROPRIO ! NON AU LOYER !
- Norman Nawrocki